Citoyenneté d'honneur de la Ville de Lyon 2024
23 décembre 2024
Depuis 2021, dans le cadre de la Journée internationale des droits humains, la Ville de Lyon remet la citoyenneté d’honneur à des défenseuses et défenseurs des droits humains en reconnaissance de leur courage et leur engagement, mais également afin de contribuer à faire connaitre leurs situations et leurs combats, parfois menés au péril de leur vie, en faveur de causes justes et universelles.
Samedi 14 décembre, le Maire de Lyon a élevé au rang de citoyens et citoyennes d’honneur cinq personnalités, dont les portraits et parcours sont exposés, jusqu’à mi-janvier, sur les grilles de l’Hôtel de Ville.
Mme SONIA DAHMANI, avocate tunisienne emprisonnée
Sonia Dahmani est avocate et chroniqueuse tunisienne. Inscrite au Barreau de Tunis depuis plus de trente ans, elle est spécialisée en droit de la propriété intellectuelle. Militante des droits humains et passionnée de culture et d’art, qu’elle considère comme « une arme pour défendre les droits fondamentaux », elle participe notamment à une campagne du Croissant Rouge contre les violences conjugales. Elle dénonce, lors de plusieurs émissions radiographiques ou télévisées, le sort réservé aux migrants, des faits avérés de racisme, l’engorgement des prisons et le traitement des prisonniers politiques en Tunisie.
L’expression de ces opinions vaut à Sonia Dahmani d’être poursuivie par la justice à partir de février 2024. Réfugiée dans les locaux de la Maison des Avocats de Tunis, elle est arrêtée par des hommes cagoulés, entrés de force dans les locaux. De nombreux avocats tunisiens et internationaux, dont le Barreau de Lyon, se mobilisent alors et lui manifestent leur soutien.
Jugée sans plaidoirie ni audience, Sonia Dahmani est condamnée, en septembre 2024, à une peine de huit mois de détention, puis à deux ans de prison ferme en octobre 2024. Elle fait encore l’objet de trois procédures et encourt jusqu’à quarante ans d’emprisonnement.
Son courage et sa résistance font de Sonia Dahmani un symbole de la lutte en faveur de la liberté d’expression.
Mme MUZDAH HAEM RAHIMI, militante afghane, doctorante à Lyon I
Muzhda Haem Rahimi est doctorante et chercheuse en immunologie à l’Université Claude Bernard Lyon 1. Originaire de Kaboul en Afghanistan, où elle suit des études universitaires de pharmacie, elle effectue une partie de son cursus en France. Elle obtient notamment un master en biologie-santé, spécialité immunologie, à Paris, et réalise un stage en hématologie et immunologie au sein des Hospices Civils de Lyon. Nommée assistante professeure à la Faculté de Pharmacie de Kaboul en 2010, elle devient, en 2019, vice-doyenne de cette Faculté, et la première femme à occuper ce poste.
Fortement investie dans la formation et le développement de l’enseignement scientifique pour les femmes afghanes, Muzhda Haem Rahimi soutient ces dernières dans la rédaction de projets et la préparation des dossiers de demande de bourse d’études. Elle crée également des ateliers destinés à accompagner les étudiantes et à les encourager à exceller dans leurs études et leur parcours professionnel.
À la suite de la prise de Kaboul par les talibans, qui marque leur retour au pouvoir en Afghanistan, Muzhda Haem Rahimi devient, de par ses activités et son statut de femme, une cible dans son pays et doit s’exiler au Pakistan. Éligible à un visa « jeune talent » du gouvernement français, elle arrive à Lyon en mars 2022 et entame son doctorat à l’Université Lyon 1. Ses recherches ont pour objectif de développer des approches d’immunothérapie individualisée chez les patients septiques.
Personnalité bélarusse engagée dans la défense des droits humains, actuellement emprisonnée pour son combat
La Ville de Lyon a pris la décision de ne pas dévoiler l’identité de cette personnalité, par mesure de protection, en raison des graves risques que la publicité faite autour de son nom pourrait lui faire courir. La Citoyenneté d’honneur lui sera remise officiellement à sa libération.
La fraude massive lors de l’élection présidentielle d’août 2020 au Belarus a provoqué des vagues de contestation sans précédent et des manifestations de dizaines de milliers de citoyens à travers le pays. Les aspirations démocratiques de la population ont été réprimées dans la violence par le régime. À ce jour, les figures de l’opposition sont toutes en exil ou en détention, et aucune organisation de défense des droits humains n’est plus en mesure d’opérer sur le territoire.
En distinguant cette personnalité, la Ville de Lyon souhaite également rendre hommage aux dizaines de milliers d’opposantes et d'opposants politiques et défenseurs des droits humains détenus arbitrairement au Belarus, victimes de traitements cruels, inhumains ou dégradants, et mettre en lumière leur courage.
Mme SHIREEN ABU AKLEH, journaliste palestino-américaine assassinée (posthume)
Née à Jérusalem, Shireen Abu Akleh était une journaliste de nationalité palestinienne et américaine. Reportrice pour le média Al-Jazeera pendant plus de vingt-cinq ans, elle est reconnue comme l’un des plus grands noms du journalisme au Moyen-Orient.
Shireen Abu Akleh a été tuée par des tirs de l’armée israélienne le 11 mai 2022, alors qu’elle couvrait un raid israélien dans le camp de Jénine et portait un gilet pare-balles estampillé « PRESS ».
Habitante de Jérusalem-Est, Shireen Abu Akleh réalisait des reportages sur les événements majeurs liés au conflit israélo-palestinien. Elle s’est notamment investie dans la couverture journalistique de la deuxième Intifada, et a fait partie des rares journalistes à suivre la bataille de réfugiés de Jénine en 2002. En raison de son travail, elle avait fait l’objet d’intimidations, de harcèlement et de tentatives d’arrestation de la part de l’armée israélienne.
En septembre 2022, la famille de Shireen Abu Akleh a déposé une plainte auprès de la Cour pénale internationale (CPI) accusant Israël d’avoir assassiné de façon délibérée la journaliste et d’avoir pris pour cible ses collègues, Ali Sammoudi et Shatha Hanaysheh, qui l’accompagnaient. Al-Jazeera a également déposé une plainte officielle auprès de la CPI pour crime de guerre, avec le soutien de Reporters sans frontières (RSF), auteur d’une campagne visant à lutter contre le ciblage des journalistes en Cisjordanie et à Gaza. La Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a exhorté les autorités israéliennes à ouvrir une enquête pénale sur la mort de Shireen Abu Akleh
M. AILTON KRENAK, écrivain brésilien militant pour les droits des peuples autochtones
Né sur les rives du Rio Doce au Brésil, Ailton Krenak est écrivain, journaliste, philosophe, poète, enseignant et militant écologiste.
À l’âge de neuf ans, il est séparé de force de son peuple, le peuple krenak, contraint de quitter ses terres, réquisitionnées par les autorités.
Profondément marqué par cet exil et les souffrances des siens, Ailton Krenak s’engage, à partir des années 1970, avec un même fil rouge : la reconnaissance de la culture, des langues, des terres et des droits des peuples autochtones. Il fonde et participe à plusieurs organisations de défense des peuples autochtones, dont il fait reconnaitre les droits territoriaux dans la Constitution brésilienne en 1988. De 2003 à 2010, il est assistant spécial pour les affaires autochtones du gouverneur de l’État fédéré brésilien du Minas Gerais. En 2015, il reçoit l’Ordre du Mérite culturel et, l’année suivante, un doctorat honorifique de l’Université fédérale de Juiz de Fora, où il enseigne les cultures autochtones. En 2024, Ailton Krenak devient le premier autochtone élu à l’Académie brésilienne des lettres.
À travers son combat pour la reconnaissance des populations autochtones et de leurs droits, notamment leur droit à la terre, Ailton Krenak nous invite à réfléchir à la nécessaire adaptation de nos modes de vies et à la construction d’un monde plus durable.