Quais du Polar / Portraits croisés
Christina Sweeney-Baird et Mercedes Rosende, attendues prochainement à Lyon pour le festival Quais du polar, ont répondu à nos questions !
Dans son premier roman, La fin des hommes, Christina Sweeney-Baird imagine un monde où les hommes meurent tués par un virus. Une histoire particulièrement passionnante, qui pose de vraies questions sur la place des femmes, nos réactions face à un virus, etc. Dans son dernier ouvrage, L'autre femme, Mercedes Rosende met en scène une femme qui, sur un malentendu lié à l'enlèvement de son mari, va prendre son destin en main.
Comment vous définissez-vous en 3 mots ?
Christina Sweeney-Baird : Écrivain, avocat, féministe.
Mercedes Rosende : Loyale, têtue, perfectionniste.
Pouvez-vous nous raconter un souvenir d'enfance ?
CSB : Je me souviens avoir beaucoup lu - l'un de mes livres préférés était Ballet Shoes de Noel Streatfield - et j'adorais les livres de Harry Potter. Lire dans le jardin par une journée ensoleillée était mon activité préférée !
MR : Je suis dans une chambre plongée dans l'obscurité, je suis une petite fille qui n'arrive pas à dormir, qui attend, terrifiée, le père Noël. Ne pouvant pas dormir, je me lève, remonte le couloir, me dirige vers la lumière, j'entends des bruits, m'approche et vois le vélo bleu flambant neuf que j'avais demandé dans ma lettre, qui me remplit de bonheur, et je vois mon père occupé à envelopper les cadeaux près de la cheminée. Je retourne au lit sur la pointe des pieds, aussi heureuse que déçue. Je n'ai jamais rien dit.
Qu'est-ce qui vous a amené à écrire un roman noir ?
CSB : J'avais lu The Power de Naomi Alderman début 2018 et cela m'a fait réfléchir à la fiction spéculative comme moyen d'explorer le genre. J'ai commencé à réfléchir à ce que serait le monde sans les hommes. Qu'est-ce qui changerait ? Qu'est-ce qui resterait inchangé ?
MR : À la maison, il y avait deux bibliothèques : la principale, qui se trouvait dans le séjour et où mes parents conservaient les livres qu'ils considéraient comme importants sur le plan culturel, et l'autre, juste quelques étagères dans une pièce au fond du jardin, où s'entassaient les romans policiers, principalement des éditions bon marché d'auteurs américains au réalisme sale. En été, je jouais dans le jardin, et aux périodes de forte chaleur, je m'enfermais dans cette pièce pour lire. Les livres "méprisés" ont été mes premières lectures d'ouvrages pour les adultes. Quand j'ai écrit mon premier roman, je pensais à une histoire d'amour et de corruption, un roman dans lequel le crime était la contamination de l'environnement, et quand je l'ai eu terminé, je me suis aperçue que j'avais écrit un roman policier. Et je me suis souvenue de cette bibliothèque au fond du jardin, de mes premières lectures : les livres méprisés étaient dans mon roman.
Quelle est votre actualité du moment ?
CSB :Je travaille actuellement sur mon prochain roman de fiction spéculative et sur un roman pour jeunes adultes.
MR : Je lis, j'écris et je corrige dans un petit village situé au nord de l’Espagne, en Galice, ma fenêtre donne sur la ría d'Ortigueira et je vois monter et descendre la marée. Je fais de longues promenades dans le village, la forêt ou au bord de la mer. Je voyage beaucoup pour mon travail, je traverse l'océan, je fais des milliers de kilomètres, et ma vie passe fréquemment du calme le plus absolu à l'activité la plus fébrile en moins de 24 heures.
Dans vos deux romans, les hommes sont vraiment en danger. D'après vous, la femme est-elle l'avenir de l'homme ?
CSB : Je pense que l'égalité est ce vers quoi nous devrions tous tendre. Ni les hommes ni les femmes ne sont l'avenir : les deux doivent travailler ensemble.
MR : Aujourd'hui et vu d'Europe, le genre humain tout entier est en danger. Et non, je n'espère pas que la femme soit plus que ce qu'elle n'est : j'espère juste qu'un jour nous obtenions l'égalité des droits. Je ne veux pas que mes livres soient un manifeste féministe, je veux juste montrer ce que la société ou le marché veulent faire de notre corps.
Que représente la France pour vous ?
CSB : J'ai vécu à Paris pendant 6 mois quand j'avais 19 ans, donc j'ai de très bons souvenirs de la France et j'aime la visiter. Je ne suis jamais allée à Lyon et j'ai très envie de découvrir la ville.
MR : Je dois à la France mes premières années d'éducation, mes années d'école à Paris et au lycée français de Montevideo. Quand je suis arrivée avec ma famille, il n'y avait pas beaucoup d'immigrants, et à l'école j'étais une sorte de bête curieuse que tout le monde voulait connaître et avoir pour amie. J'ai appris à écrire en français avant l'espagnol, alors je dois à la France une autre langue et une autre littérature.
Quel est votre livre de chevet en ce moment ?
CSB : Je viens de terminer Again, Rachel de Marian Keyes qui était drôle, chaleureux et captivant. Ensuite, je vais lire A Visit From The Goon Squad de Jennifer Egan.
MR : En ce moment, comme toujours, j'ai trois ou quatre livres en cours : les nouvelles complètes de John Cheever (USA), les nouvelles complètes de Rubem Fonseca (Brésil), et les nouvelles de Fogwill (Argentine). Je viens de terminer un roman d'Anita Brookner parce qu’une critique du Times a dit que ma littérature était un mélange entre elle et Tarantino !
Christina Sweeney-Baird a grandi entre Londres et Glasgow. Elle a étudié le droit à l'université de Cambridge. Elle a été publiée en tant que journaliste indépendante dans The Independent et le Huffington Post. Elle travaille aujourd'hui comme avocate spécialisée dans le contentieux des entreprises. Son premier roman, La fin des hommes, écrit en 2019, est paru en 2021 au Royaume-Uni. Elle a débuté la rédaction de son second roman...
Mercedes Rosende est une juriste spécialisée en processus électoraux, qui a également été syndicaliste, enseignante, et chroniqueuse dans divers médias. Elle vit en Espagne. Mercedes Rosende a reçu de nombreux prix en Uruguay et en Argentine. Elle est l’auteure d’une trilogie de romans noirs : Mujer equivocada (Estuario Editora, Montevideo, 2015, L’autre femme), El Miserere de los Cocodrilos (Estuario Editora, Montevideo, 2016), Ganas de no verte nunca más (Planeta Uruguay, 2019).
Quais du Polar 2022
Du 1er au 3 avril, romans, BD, séries TV, cinéma, tables-rondes, rencontres, enquête urbaine, théâtre, expositions, jeux… sont au programme du festival lyonnais.