Exposition "Le cri du silence"
Du 24/04/2023 au 28/05/2023
Exposition
" J'ai débuté il y a trente ans une quête photographique, en mettant en images les récits oniriques légués par mes grands parents rescapés d'un génocide, celui des Arméniens en 1915. Je puise des allégories dans mon imaginaire et cherche à évoquer par l'image cet héritage oral, afin que le miracle photographique se produise.
J'ai d'abord constitué en noir et blanc une fresque chargée par la mémoire des lieux empreints du vide laissé par l'effacement d'un peuple, puis je suis passé à la couleur, initiant ainsi une symbiose entre mémoire et Histoire. Je me suis rendu sur des terrains de guerre au Proche-Orient puis dans le Caucase, afin d'y couvrir des conflits qui n'avaient, à priori, aucun rapport direct avec mon héritage mémoriel, mais tous avaient en commun de se dérouler à l'endroit même où fut perpétré ce génocide, ce qui a suscité en moi des émotions qui ne relevaient plus seulement de mon imaginaire, mais surgissaient d'épisodes réels de ma vie.
Sur les terrains de guerre, j'ai éprouvé le sentiment paradoxal d'être le témoin de l'Histoire dont j'ai hérité. Secrètement, j'ai toujours éprouvé le besoin d'être l'un de ses témoins vivants. Cette vision constitue le socle sur lequel repose l'édifice de ma démarche. Mon travail photographique est depuis le départ habité et hanté par une lutte permanente contre le déni et la peur de l' anéantissement.
Le 24 septembre 2020, l'Azerbaïdjan turcique qui revendiquait la souveraineté d'un territoire qui lui fut arbitrairement offert par le dictateur Staline en 1921, attaquait la République d'Artsakh (Haut Kharabagh), peuplée d'Arméniens, dans une vaste offensive militaire orchestrée par la Turquie. Dans un silence assourdissant, el bénéficiant d'une suspecte inertie de la Russie, une puissante coalition militaire, équipée d'armes modernes et épaulée par des mercenaires djihadistes, transférés de Syrie, déclenchait une offensive militaire qui après 44 Jours conduisit à la défaite d'une petite République habitée par un peuple présent sur ses terres depuis l'antiquité.
La Turquie est l'héritière d'un crime impuni sur lequel s'est bâtie sa République en 1923, assimilant dans cet héritage une haine et une violence consubstantielles à l'impunité dont elle a bénéficié. Par son déni, elle est dans la quête perpétuelle d'un ennemi qu'elle veut tenir pour responsable de tous ses maux. Les drames d'aujourd'hui contiennent incontestablement dans leur essence, une filiation avec les drames d'hier, car ils ne peuvent se soustraire au principe de causalité et à la répétition dialectique de l'Histoire.
L'offensive sur l'Artstakh en 2020, suivie deux ans plus tard par l'annexion d'une partie du territoire souverain de l'Arménie par la coalition turco-azerbaïdjanaise, constituent bel et bien une volonté de parachèvement du processus génocidaire initié il y a 100 ans par le gouvernement des Jeunes Turcs et qui conduisit à la presque totale disparition des populations chrétiennes autochtones : arméniennes, grecques, syriaques et chaldéennes de l'Empire ottoman. Hier comme aujourd'hui, l'abandon des Arméniens dans l'indifférence générale rappelle plus que jamais le discours historique de Jean Jaurès intitulé « Il faut sauver les Arméniens », qu'il prononça à la Chambre des députés en 1896, soutenu par des intellectuels tels que Anatole France et Georges Clemenceau et qui dénonçait les massacres hamidiens perpétrés à l'encontre des Arméniens par le Sultan.
Si l'on cède face à la tyrannie, alors on justifie l'anéantissement. "
Antoine Agoudjian
Infos pratiques
Du 24/04/2023 au 28/05/2023
Place Antonin Poncet