"Le patrimoine est le meilleur lien entre les cultures"
Didier Repellin, architecte en chef et inspecteur général des monuments historiques, est l’un des nombreux artisans de l’inscription du site historique de Lyon au Patrimoine mondial de l’Unesco en 1998. Sa mémoire est intacte sur cette aventure passionnante.
Comment est née l’idée de l’inscription de Lyon ?
D. R. : L’initiative en revient à l’association Renaissance du Vieux-Lyon (RVL), donc à Régis Neyret, qui dit au maire de l’époque, Raymond Barre : « Nous aimerions faire connaître Lyon en montant un dossier du patrimoine mondial Unesco sur le Vieux-Lyon. » Raymond Barre a répondu : « Je suis d’accord mais à condition que ça ne me coûte pas trop cher. » (rires)
Le Vieux-Lyon était déjà un Secteur sauvegardé…
Le Secteur sauvegardé avait été prononcé en 1964, déjà grâce à RVL. Elle voulait lutter contre un urbanisme dévastateur. Le Vieux-Lyon est le premier Secteur sauvegardé de France.
Comment prépare-t-on la candidature pour l’Unesco ?
Nous avons constitué une équipe rapprochée avec RVL et le secrétaire général de la Mairie. Comme j’avais déjà travaillé avec l’Unesco sur des dossiers d’évaluation, on m’a demandé d’organiser le côté pratique. J’avais une équipe d’architectes, historiens d’art… Nous étions 4. Nous avons travaillé sur le dossier à plein temps pendant plus d’un an. Nous avions à nos côtés 30 à 40 experts, chacun dans leur domaine, il ne faut pas les oublier ! Nous assurions le rôle de chef d’orchestre.
En quoi consiste la démarche ?
L’Unesco demande de remplir un formulaire. C’est le même formulaire dans le monde entier quelle que soit la culture. C’est assez fabuleux ! On ne le dit pas assez mais le patrimoine est le meilleur lien social, humain et culturel entre les cultures. Pourquoi ? Parce que c’est la célébration du savoir-faire humain. Quelles que soient les cultures, les qualités se retrouvent entre elles.
Quels sont les critères ?
L’ensemble doit être de valeur universelle et exceptionnelle. Et il faut que des témoignages matériels et physiques subsistent pour permettre à la génération actuelle de se rendre compte. C’est très important.
Mais l’inscription ne porte pas que sur le Vieux-Lyon…
Non ! On s’est aperçu qu’on n’arrivait pas à remplir le formulaire sur ce seul quartier. Nous n’avions pas assez de témoignages matériels dans le Vieux-Lyon. Donc j’ai demandé à Régis et Annie Neyret (ndlr : son épouse) si nous pouvions ajouter des quartiers. Mais quelle était la logique ?
Puis, petit à petit, nous avons découvert la particularité de Lyon : le centre-ville s’est déplacé de Fourvière, avec le forum romain, au Vieux-Lyon, sur la place du Gouvernement, puis en Presqu’île, avec l’Hôtel de ville. Nous avons, à Lyon, c’est unique, la lecture directe physique et matérielle de tous les centres-villes de chaque époque : romain, médiéval, classique, moderne et contemporain. Et là ça a changé complètement la vision ! Pour la première fois, nous avions une vision dynamique d’évolution. Lyon a donc été inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco sur 2 000 ans d’évolution de l’architecture et de l’urbanisme, des Romains à nos jours. Ce site historique s’étend sur près de 500 hectares incluant Fourvière, le Vieux-Lyon, la Presqu’île et les Pentes de la Croix-Rousse jusqu’au boulevard.
L’inscription est-elle garantie “à vie” ?
Non. La Ville doit avoir un plan de gestion sur le site des 500 hectares. Tous les 5 ans, l’Unesco vérifie si les critères qui ont permis l’inscription sont encore là.