L'aventure musicale d'Obi Bora
I was raised in poverty but thank God he done change my dignity… (J'ai grandi dans la pauvreté mais Dieu merci, il a changé ma dignité...) peut-on entendre sur la chanson Turn around d’Obi Bora, extrait de son premier album Black Prayers. A seulement 35 ans, cet artiste hip-hop nigérian, au parcours à peine croyable, semble avoir vécu déjà de nombreuses vies. C’est dans les locaux de sa maison de production lyonnaise Horizon Musiques que nous l’avons rencontré, pour qu’il nous raconte sa meilleure vie, celle qu’il vit maintenant, celle dont il a toujours rêvé.
Quand êtes-vous arrivé à Lyon ? Dans quelles circonstances ?
Obi Bora : Je suis arrivé à Lyon en août 2019, après avoir séjourné en prison en Suisse. En prison, j’ai rencontré quelqu’un qui m’a parlé de la France, et qui m’a expliqué que si je pouvais m'y rendre, je pourrais avoir l’opportunité de faire ma musique et d’en vivre. C’est ainsi que j’ai décidé qu’à ma sortie de prison j'allais essayer d'aller vivre en France. Cette personne vivait au collège Maurice-Scève (ndlr: ancien squat du quartier de la Croix-Rousse), et m’a invité à rester dans ce squat : "tu peux rester ici et faire ta musique, comme tu avais l’habitude de le faire en prison".
Pourquoi étiez-vous en prison en Suisse ?
J’ai fait une demande d’asile, et elle a été refusée. Je n’avais pas de papiers, je vivais dans la rue, j’avais une situation "illégale". Une fois ma demande d’asile refusée, je n’avais plus le droit de rester dans le pays, c’est pour ça que je me suis retrouvé en prison.
Comment vous sentez-vous à Lyon, et qu’est-ce que cette ville, et plus généralement la France, évoque pour vous ?
Je me sens vraiment très bien ! Je suis très reconnaissant de me trouver à Lyon, en cette période. J’ai voyagé pendant près de 10 ans, et je n’ai jamais eu les mêmes opportunités qu'ici en France. Après quelques mois à Lyon, j’ai commencé à rencontrer des gens qui étaient intéressés par ce que je faisais, et prêts à écouter mon histoire. Ici, je sens que j’ai vraiment l’opportunité de faire quelque chose.
Vous évoquez des rencontres à Lyon. Comment s'est faite la rencontre avec l'artiste lyonnais Cédric de la Chapelle ?
Des personnes rencontrées au collège Maurice-Scève m’ont proposé de venir avec elles pour voir un spectacle dans un théâtre. Le gérant du théâtre m'a expliqué que quelqu’un allait venir jouer de la musique et que je pourrais peut-être le rencontrer et faire de la musique avec lui. J’ai donc attendu, et Cédric est arrivé. Nous avons joué ensemble le premier jour, puis le deuxième et le troisième, et Cédric m’a demandé où est-ce que je vivais. Il se trouve qu’il habitait à côté du collège, et il m’a donc proposé de venir chez lui et de parler un peu plus autour d'un café ! Il s’est alors intéressé à moi, à ma façon de faire et de composer de la musique, et il aimait bien ça. J’ai alors enregistré un morceau, je lui ai montré, et il a donné cette chanson à Olivier (ndlr: Olivier Boccon-Gibod, directeur de la maison de production d’Horizon Musiques), c’est comme ça que tout a commencé !
En quoi votre parcours nourrit votre musique ?
Parfois mon parcours m’aide à créer ma musique, parfois il me démoralise, et parfois il me guide de manière positive, et m'apprend à oublier le passé et à simplement me tourner vers le futur. Une part de mon histoire est dans mes chansons car je veux vraiment raconter aux gens qui je suis, et comment la vie me traite, et c’est à ça que sert la musique, à faire passer des messages ! J’aimerais vraiment pouvoir tout dire dans mes chansons !
Je ne savais pas que j'en arriverai là aujourd’hui, je ne savais pas quels gens j’allais rencontrer, mais il y avait quelque chose dans ma tête dont je devais faire part. Quand j’étais en prison, j’ai commencé à écouter ce que j'avais en tête, en pensant que cela allait m’aider. On ne sait jamais quelle sera notre destination, mais on doit rester concentré sur ce qui nous anime. Quand je suis arrivé en France, j’avais déjà quelques idées, alors je me suis concentré sur ça. Et même si tu n’as pas d’argent pour manger, que tu n’as rien, tu dois te concentrer sur ce que tu connais et sais faire, car on ne sait pas de quoi demain sera fait. Personne ne possède le temps, le temps continue d’avancer, on ne peut pas le stopper.
Des concerts dans différents lieux (Printemps de Bourges, les Subsistances,…), un nouvel album avec le label "Un plan simple", est-ce que c’est le début d’une nouvelle vie ?
Je pense que oui ! Je ne peux que remercier Dieu pour tout ça. Chaque chose en son temps ! Mais si c’est mon moment maintenant, alors je le saisis et je fais en sorte que ça arrive.
Quand j’ai fini mon concert aux Subsistances (le 23 octobre dernier), j’ai ressenti que j’avais encore besoin d'être sur scène ! Quand un concert se finit, j’ai l’impression que je n’ai plus rien à faire, et c’est un peu déprimant pour moi. J’ai simplement envie de continuer encore, de partager et faire découvrir ma musique.
Quelle est la prochaine étape ?
Je veux faire des concerts chaque semaine ! Je vis ma meilleure vie, celle dont j’ai envie. Mais c’est simplement le début, je commence seulement à travailler, c’est le premier album, et j’ai envie de continuer dans ce sens. Je ne dirai pas que c’est mon "objectif", mais pourtant ça doit l’être : de rencontrer des gens, de faire plus de concerts, dans des salles plus grandes, de vendre plus d’albums, c’est tout ce dont un musicien peut rêver !
Vous connaissez Lyon depuis 2 ans maintenant, est-ce qu’il y a un lieu que vous aimez particulièrement ?
J’aime beaucoup le quartier de l’Hôtel de Ville ! J’habite maintenant rue Edouard Herriot, et j’aime beaucoup ce lieu, j’ai envie d’y rester. Quand je sors de chez moi, je peux rencontrer plein de gens ! J’aime bien aller au skatepark aussi, et échanger avec les gens !