Dans les pas de Tony Garnier
Né en 1869 à la Croix-Rousse, Tony Garnier obtiendra d'un maire visionnaire, Edouard Herriot, l'essentiel des grands travaux de la ville.
Grand prix de Rome, certaines de ses réalisations sont incluses dans le site historique de Lyon et participent de "la continuité de l'installation urbaine sur plus de deux millénaires" (critère de l'Unesco).
A suivre : le tracé d'un "idéaliste pragmatique", qui rêvant d'une cité idéale, a su créer des lieux de vie dont les habitant∙e∙s sont aujourd'hui encore les plus ardent∙e∙s défenseur∙euse∙s.
Titre
Villas à la romaine - Années 1910 - rue de la Mignonne - Lyon 9e.
Couramment assimilé à "réalisations de grande envergure", le nom de Tony Garnier n'évoque guère "l'habitat individuel". Et pourtant, le confort de chaque occupant∙e de ses logements était pour lui une priorité. Pour preuve, trois maisons qu'il bâtit au bord de la Saône, étonnamment inspirées de la villa romaine : combinaison de volumes cubiques fermés ou ouverts autour d'un patio, dépouillement des façades, recherche de transparence par de grandes baies vitrées, le tout en béton ! Ici, comme dirait Jacques Tati, "tout communique" et le mobilier Art Déco s'intègre à merveille.
L'école de tissage - 1927-1933 - 43 cours Général Giraud - Lyon 4e.
Témoin du temps où la formation s'organise autour de la puissante industrie lyonnaise de la soierie, l'école de tissage est un ensemble complexe de bâtiments se développant le long des l'ancien cours des Chartreux. De plain pied sur trois étages recouverts d'une terrasse, les locaux d'enseignement. A flanc de colline, les ateliers. Une architecture utilitaire et rationnelle, avec en façade une ordonnance rectiligne rythmée par de grandes fenêtres entre poteaux. Inscrite à l'inventaire des Monuments historiques.
La halle Tony Garnier - 1906-1928 - 20 place Antonin Perrin - Lyon 7e.
Situé à l'origine au cœur des Abattoirs de la Mouche (25 ha), cette grande halle abrita le marché aux bestiaux de l'agglomération. Utilisée pour la première fois en 1914 pour l'exposition internationale de Lyon, elle fut réquisitionnée comme usine d'armement lors de la grande guerre. D'une superficie de 17 000 m2, soit l'équivalent de deux terrains de football bout à bout, l'édifice - prouesse technique - est constitué d'une charpente métallique d'un seul tenant, sans pilier central. Transformée dans les années 90 pour accueillir les plus grands concerts et événements, la halle est devenue le "Bercy" de Lyon. Inscrite à l'inventaire des Monuments historiques.
Le stade de Gerland - 1914-1926 - 351 avenue Jean-Jaurès - Lyon 7e.
Conçu à l'origine comme stade olympique dans la tradition antique, d'une capacité de 35 000 spectateurs, il se présente sous la forme d'un vaste ovale environné de gradins accessibles par quatre portiques monumentaux.
D'architecture fonctionnelle aux formes d'une simplicité rigoureuse, il apparut de façon éclatante à l'architecte chargé de sa rénovation pour le Mondial 98 (couverture des deux virages, notamment) qu'il avait été conçu pour pouvoir évoluer dans le temps. Résultat, aujourd'hui, une stade à la norme internationale dans le pur respect de son architecture d'origine. Inscrit à l'inventaire des Monuments historiques.
Le central téléphonique Vaudrey - 1919-1927 - angle rues Vaudrey et Vendôme - Lyon 3e.
Cet immeuble d'angle peut sembler banal. Et pourtant, son jumeau sera construit à Paris en 1928 à la demande de l'administration centrale des PTT : grande façade plane couronnée par une corniche, scandée par de grandes fenêtres verticales, toit en terrasse, architecture dépouillée où seule une différence dans le traitement des surfaces en béton anime l'ensemble…, le tout évoque la rationalité et la modernité d'alors, caractéristique d'une nouvelle technologie naissante, promise à l'avenir que l'on sait.
La vacherie du Parc - 1904-1905 - Parc de la Tête d'or - Lyon 6e.
Première commande de la Ville de Lyon à Tony Garnier, cette construction était destinée à fournir du lait aux enfants nécessiteux du quartier. Elle comportait une étable pour les vaches, le logement du gardien et une installation de stérilisation du lait. L'architecte y mêle tradition, avec un toit en tuiles rouges de Bourgogne, et innovation, par l'utilisation du béton et du ciment armé. Encore une architecture dépouillée - la vocation sociale du lieu dissuade de toute ostentation - que seuls animent les pignons et frontons.
Monument aux morts de la Tête d'or - 1920-1930 - Ile aux cygnes, parc de la Tête d'or - Lyon 6e.
Sélectionné à la suite d'un concours ouvert par la Ville pour le site de l'île aux cygnes, le monument est dédié à la mémoire des Lyonnais morts pour la France. Inspiré de "L'île aux morts", du peintre Böcklin, il témoigne de la capacité de Tony Garnier à concilier le site et l'architecture à un imposant groupe sculpté par Jean Larrivé, des ombres portant un cercueil.
Usine Mercier Chaleyssin - 1913-1914 - 4 rue Boileau - Lyon 6e.
Etonnant de modernité, d'une architecture indémodable, c'est l'une des rares commandes privées faites à Tony Garnier. Tout en se pliant aux contraintes du contexte urbain - une angle de rue dans un quartier résidentiel - l'architecte a su donner de l'élégance et du rythme à ce bâtiment abritant une fabrique de meubles : tour d'angle créant un pendant au musée Guimet, ateliers masqués par des toitures en sheds et une longue façade de baies vitrées...
L'hôpital Edouard Herriot - 1910-1933 - 5 place d'Arsonval - Lyon 3e.
Pour réaliser cet ensemble hospitalier, le maire de Lyon, Edouard Herriot, mit à la disposition de Tony Garnier un vaste terrain "à la campagne", dans la partie Est de l'actuel 3e arrondissement. L'architecte s'inspira de l'hôpital de Copenhague et des établissements sanitaires de sa cité idéale : système pavillonnaire intégrant la nature, avec une important réseau souterrain pour le transport des malades.
L'ensemble est organisé sur trois niveaux hiérarchisés : services généraux, pavillons, service des contagieux. Chaque pavillon est de forme simple, à deux étages percés de nombreuses fenêtres et recouverts d'un toit-terrasse. Seuls éléments d'ornementation : corniches saillantes, bandeaux de brique et angles à pans coupés. Inscrit à l'inventaire des Monuments historiques.
Le quartier des Etats-Unis - Lyon 8e
A l'origine de ce véritable "morceau de ville", un projet beaucoup plus vaste : la percée d'un "boulevard industriel" reliant la Guillotière et Vénissieux autour duquel un réseau d'usines pourrait s'installer avec, sur place, les logements du personnel. Faute de financements, le projet est revu à la baisse.
Mais l'architecte n'en construit pas moins les premiers "hbm" (habitations à loyer bon marché), des immeubles de logements fonctionnels qui améliorent considérablement les conditions de vie des ouvriers. Architecture uniforme sur cinq niveaux, volumes simples, orthogonaux, toits-terrasses, loggias, alternance des peins et des vides…, l'ensemble est harmonieux, aéré, aujourd'hui encore apprécié par ses occupant∙e∙s. Dans les années 80, ce quartier est entièrement restauré et la partie Ouest devient le Musée urbain Tony Garnier : une galerie de fresques géantes qui relatent, sur chaque mur pignon, l'œuvre de l'architecte.
Une opération exemplaire, qui a motivé et mobilisé des locataires devenus les guides passionné∙e∙s de touristes venant du monde entier.