Quelques Lyonnaises remarquables
La Ville a décidé de rendre visibles les femmes par une politique volontariste de dénomination de rues et de lieux. La presque totalité des femmes citées ci-dessous a déjà un nom de rue ou de place ou de bâtiment public (écoles, bibliothèques, allées des Halles de Lyon…).
L’Histoire de Lyon est jalonnée de parcours de femmes exceptionnelles, dont voici quelques figures :
- Louise Labé (1524-1566) : dite « la belle Cordière », elle épouse un riche marchand de cordes lyonnais ; elle satisfait sa passion des lettres en collectionnant des livres précieux et en écrivant des poèmes, en particulier sur l’amour. Elle tient salon près de la place Bellecour à la Renaissance. Elle veut voir les femmes « non en beauté seulement, mais en science et vertu passer ou égaler les hommes ».
- Pauline Jaricot (1799-1862) : issue d’un milieu aisé, elle vivra toute sa vie à Lyon. Elle crée en 1822 « L'œuvre catholique de la Propagation de la foi », mouvement missionnaire français qui sera présent dans tous les pays de la Chrétienté à la fin du XIXe siècle. Très touchée par le sort du prolétariat naissant, elle imagine un projet de « banque du ciel » avec prêt gratuit, mais elle se fait gruger par des escrocs et elle finit sa vie ruinée.
- Eugénie Niboyet (1799-1883) : journaliste, écrivaine, elle lance en 1833 à Lyon le premier journal féministe de province Le Conseiller des femmes. En 1836, elle créé un nouveau journal La Gazette des femmes qui lutte pour l’exercice des droits politiques et civiques des femmes. Enfin, en 1848, elle fonde le premier quotidien français féministe La Voix des femmes. Eugénie Niboyet s’engage aussi pour la paix, la République, l’éducation des aveugles, la fin de l’esclavage…
- Julie-Victoire Daubié (1824-1874) : fille d’un comptable de Lorraine, elle est élevée dans la petite bourgeoise catholique. Son frère, prêtre, lui enseigne le grec et le latin le soir, ce qui l’amène à présenter le baccalauréat le 17 août 1861 à Lyon car soutenue par l’Adjoint au Maire M. Arlès-Duffour et le Recteur M. Petit de la Saussure. Elle est la première femme bachelière de France, puis la première femme à obtenir la licence es lettres en 1872 à la Sorbonne.
- Philomène Rozan (état civil inconnu) : ouvrière ovaliste, elle file la soie pour les ateliers de tisserands dans le dernier tiers du 19e siècle à Lyon. Elle gagne, comme ses collègues, 1F40 pour 12 heures de travail quotidien, soit moitié moins que les hommes. A l’été 1869, elle dirige « La grève des Ovalistes » qui mobilise 1 800 ouvrières de la soie à Lyon. Cette grève, selon les historiens, marque un tournant pour la place des femmes dans les luttes sociales en France.
- Marie-Louise Rochebillard (1860-1936) : fille d'un notaire ruiné de la Loire, elle doit travailler dès l’âge de 16 ans ; elle découvre les dures réalités de la vie ouvrière et crée en 1899 les premiers syndicats féminins lyonnais, celui des ouvrières de la soie notamment. Ce sont des organisations non mixtes qui ne comptent que des femmes, et seulement des ouvrières (les patronnes en sont exclues). Marie-Louise Rochebillard organise aussi l’éducation des militantes et participe du catholicisme social.
- Elise Rivet (1890-1945) : dite Mère Marie Élisabeth de l'Eucharistie, devient la Mère supérieure du couvent Notre Dame de Compassion de Lyon en 1933. Elle cache des réfugiés ainsi que des armes et des munitions en faveur de la Résistance durant la Seconde guerre mondiale. A partir de 1941, elle participe au sauvetage d’enfants juifs. Elle est arrêtée en 1944, emprisonnée à la prison de Montluc, puis déportée dans le camp de concentration de Ravensbrück. Elle prend la place d’une mère de famille et elle est gazée le 30 mars 1945. Elle reçoit la Croix de guerre et la Médaille des Justes à titre posthume.
- Philomène Magnin (1905-1996) : elle doit travailler très jeune, s’engage rapidement dans la CFTC (syndicat chrétien), milite pour le syndicalisme féminin et le vote des femmes dans l’entre-deux-guerres, écrit des articles politiques dans L’Echo de Fourvière, siège au Conseil municipal de Lyon à partir de 1944 : elle est la première femme élue. En tant qu’Adjointe aux Affaires sociales, elle créé le premier Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Lyon : « Ma demeure ».
- Lucie Samuel (1912-2007) : surnommée Lucie « Aubrac » (pseudonyme de son mari dans la Résistance), elle est une Résistante française qui s’est fait connaître en participant à la création du Mouvement de Libération-Sud, dans la France occupée de 1941, à Lyon. Elle organise des attentats, transporte des messages, organise la libération de son mari arrêté, et elle risque sa vie plusieurs fois. Après la guerre, professeure d’histoire et active témoin du nazisme, elle n’aura de cesse de transmettre l’esprit de la Résistance aux jeunes générations.
- Simone Kadosch-Lagrange (1930–2016) : d’origine juive, elle a 13 ans quand elle est arrêtée à Saint-Fons, sa famille ayant été dénoncée comme Résistante. Elle est conduite à la prison de Montluc et torturée par « le boucher de Lyon » Klaus Barbie, avant d’être déportée à Drancy, puis à Auschwitz. Elle survit à la « marche de la mort » en 1945. Elle est ensuite l’une des témoins-clés du procès Barbie en 1987 devant la Cour d’Assises de Lyon. Elle ne cessera à la fin de sa vie de témoigner auprès des jeunes générations de la Shoah et de l’horreur qu'elle a vécu pendant la Seconde guerre mondiale.
- Wendy Renard est actuellement la capitaine de l’OL féminin et de l’équipe de France. L’Equipe de l’OL féminin a remporté de nombreux titres nationaux et européens : 10 Championnats de France, 6 Coupes de France, 3 Ligues des Champions, 1 Championnat du monde des clubs !
Titre
Lyon doit sa réputation de capitale de la gastronomie en grande partie aux « Mères » : ces cuisinières, à l’origine de la renommée de la table lyonnaise, étaient, pour la plupart, d’anciennes employées de maison. Ayant perdu leur emploi dans l’entre-deux guerres pour des raisons économiques, elles s'installent alors à leur compte.
Leurs points communs : une cuisine raffinée, mais à base de produits simples, de terroir, et… un caractère bien trempé !
D’abord fréquentés par les ouvriers et soyeux, leurs restaurants ont rapidement séduit les industriels et notables. Elles ont inspiré de nombreux grands cuisiniers dont certains exercent toujours aujourd’hui. Voici les noms des plus célèbres :
- La Mère Guy. En 1759, la Mère Guy ouvre une guinguette en bord de Saône où l’on se bouscule les dimanches et jours de fête. Ce n’est pourtant qu’un siècle plus tard que le restaurant brille de tout son éclat : ses petites-filles la Génie et sa sœur Madame Maréchal le dirigent alors. Haute en couleurs et la langue bien pendue, la Génie reçoit dans son restaurant toute la bonne société de l’époque dont les maires de Lyon Edouard Herriot puis Louis Pradel. Les soyeux viennent y dîner aux flambeaux et l’Impératrice Eugénie y fait étape lorsqu’elle se rend à Aix-les-Bains !
- La Mère Bizolon. Pendant la Première guerre mondiale, les soldats qui débarquaient en gare de Perrache étaient accueillis et réconfortés dans une buvette de plein air sur l’esplanade. Une généreuse initiative de Clotilde Bizolon, née Marie, Josèphe, Clotilde Thévenet le 20 janvier 1871 à Coligny dans l’Ain. Elle avait perdu son fils au combat en 1915. Avec l’aide d’Edouard Herriot, Maire de Lyon, le bâtiment provisoire fut construit en dur et, grâce aux dons de passants, d’amis, de voisins, Clotilde offrit « Le Déjeuner gratuit du soldat » jusqu’à la fin de la guerre. Surnommée alors « La maman des Poilus », elle reçut la Légion d’honneur en 1925.
- La Mère Vittet. Native de Montalieu en Isère le 7 mai 1905, Alice Jeanne Rigot arrive à Lyon à la fin de la Grande Guerre et travaille chez le fromager Reynier aux Halles des Cordeliers. Elle rencontre Henri Vittet qui joue les garçons de courses. Le couple ouvre le Café du Marché où elle se met en cuisine. En 1957, à la mort de son mari, elle s’installe au Café Sage, 26 cours de Verdun, qui devient la Brasserie Lyonnaise. Avant de porter, en 1981, le nom de la Mère Vittet qui eut le coup de génie d’ouvrir sa maison sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre !
- La Mère Filloux. Une cuisine lyonnaise de tradition : voilà comment Françoise Benoite Fayolle, née le 2 septembre 1865 à Auzelles dans le Puy-de-Dôme, comblait ses clients. Elle se mit en cuisine dans le bistrot à vins ouvert par Louis Filloux, son mari, au 73 rue Duquesne. Et c’est chez elle qu’une certaine Eugénie Brazier vint faire ses gammes, lui empruntant la recette de son fameux fond d’artichaut au foie gras !
- La Mère Brazier. Venue de son village de l’Ain avec son fils dans les bras, elle débarque à Lyon et, quelques années plus tard, s’installe en 1921 au 14 rue Royale, à l’angle de l’actuelle rue Eugénie Brazier. Elle atteint très vite une notoriété mondiale. Elle est la première, et la seule à ce jour, qui cumule deux fois trois étoiles dès 1933 pour son restaurant de Lyon et son chalet du col de la Luère où Paul Bocuse et Bernard Pacaud se sont formés.
- Madame Andrée. « C’est chez la Mère Brazier au col de la Luère que j’ai tout appris de mon métier », disait volontiers Andrée Goiran, née Andrée, Louise, Eudoxie Goullioud le 1er juillet 1902 à Tarare. Comme sa mentor en cuisine, elle collectionna les étoiles au Guide Michelin. Deux pour chacun de ses établissements : le Molière au 18, place du Maréchal Lyautey à Lyon et à l’Hôtellerie de la Sauvagie à Tassin.
- La Mère Léa. Sur la charrette avec laquelle elle faisait son marché quai Saint-Antoine, un panneau affichait sa profession de foi : « Attention, faible femme mais forte gueule » ! Née le 19 août 1908 au Creusot, Léa Bidaut fit le bonheur des clients habitués de La Voûte, d’abord au 12 de la rue Tupin puis, en 1943 au 2 place Gourju à deux pas de la place Bellecour où le guide Michelin vint un jour déposer une étoile.
- Madame Camille. Camille Fournier est restée cinquante ans au 44 rue Mercière ! Et à l’enseigne du Bidon 5, « Madame Camille », qui avait fait ses gammes chez « La Mère Léa » alors rue Tupin, invitait ses clients à mâchonner. Parmi eux, un certain Paul Bocuse qui, après son passage sur le marché du quai Saint-Antoine, y avait ses habitudes.
- La Grande Marcelle. Une voix un peu voilée, un sourire et des yeux amicaux. Voilà le portrait de Marcelle Bramy, alias La Grande Marcelle. Le « bouchon » à son nom au 71 cours Vitton draina une clientèle fidèle, parmi lesquels Raymond Barre, Maire de Lyon qui venait y savourer une cuisine simple à base de produits choisis avec soin : saladiers lyonnais, foie de veau, andouillettes, tablier de sapeur. Elle resta derrière les fourneaux plus d’un demi-siècle.
- Renée Richard. Reine du « Saint-Marcellin », elle innova en proposant ce petit fromage dauphinois très affiné et prêt à manger à la cuillère. Renée, sa fille, poursuit aujourd’hui la tradition. Paul Bocuse l’a un jour consacrée Mère, comme les plus célèbres cuisinières lyonnaises dont elle avait la générosité, le tempérament et le caractère affirmé.